CARNETS DE ROUTE ETHNOGRAPHIQUES 28 : LE SINGE HISTORIQUE COLONIAL

          

ABDOU NDUKUR KACC NDAO 
Socio-anthropologue

A Feue Dr Ndèye Sokhna GUEYE, Archéologue (IFAN-UCAD)

Diakhao Sine. Vendredi 6 Juin 2014 : 16:00. Ce vendredi matin à 9 heures, nous étions déjà à Diakhao Sine. Village mythique, devenu à la faveur des réformes administratives, une Commune en 2011. L'évocation de Diakhao nous rappelle les trésors historiques et archéologiques inestimables de la dernière capitale du Sine : la Maison Royale, la tombe du Maad a Sinig Coumba Ndoffène Famak Diouf (roi du Sine), les tombes des Guelwar, les tombes des Linguères, le baobab Kanger.

Diakhao est ceinturé par plusieurs villages aux noms souvent évocateurs : Bacodiol, Sarar, Kao, Mbimor, Sorokh, Ndoffane mouride, Famb, Marane, Sandook, Gadoguene, Ndidor, Tela, Maronem, Ngekor, Ndofene, Ndofane, Ndielem Farha. 

Ce matin Diakahao est en effervescence. Il s'apprête à accueillir, demain Samedi 7 Juin 2014, des hôtes de marques qui viendront des quatre coins du Sénégal, pour célébrer l'acte d'allégeance du Buur Sine à Cheikhoul Xaadim. 

Une tente imposante, aux couleurs d'arc-en-ciel, reçoit ses dernières parures. Les Baay Faal et autres professionnels commis à cet effet sont à pied d'oeuvre. Demain, toute la journée, aux sons des Xassaïd et du Coran, Diakaho célébrera dans l’effervescence, cet événement historique inscrit dans l'agenda culturel du Sine. 

En attendant, je me suis permis une incursion dans le Palais royal du Sine. Une bâtisse sobre. Des hommes et des femmes accueillants. Je constate très vite l'intérêt qu'ils portent à ce devoir de mémoire. "Nous ne sommes pas trop regardant sur l'exigence de conserver nos archives" me rétorque un Baay Fall, qui se présentera plus tard, comme un homme de média. 

Je (re)découvris les tombes des souverains du Sine, du moins certains : Wassyla Faye (1287-1302), Diogo Gnilane Diouf (1443-1461), Lat Souk Fagname Faye (1686-1698), Ama Diouf Gnilane Diouf (1814-1847), , Mbacké Ndep Ndiaye (1886-1897), Bur Sine Coumba Ndoffene Diouf (1897-1924), Mahécor Diouf (1924-1969). 

Je (re)découvris les Joung-Joung au coin de la tombe de Mahécor Diouf. Je (re)découvris un aspect des rites mortuaires de ces Ceddos et les positionnements géographiques d'ensevelissement : Entre l'Est et le Sud, nous avons deux faces opposées d'un rite entre les Ceddos et les musulmans. Il est vrai qu'il faut se garder de caricaturer ces processus rituels complexes, divers et évolutifs dans le temps. 

A la vue de ces tombes, je me suis rappelé les mégalithes et les cercles mégalithiques de Kaymor, de Sine Ngayène, de Keur Ali Lobé, de Diam Diam dans le Nioro du Rip. Ces vestiges funéraires (abondamment étudiés par des équipes de l'IFAN et peu vulgarisés auprès du public alors que nous avons la première concentration de sites mégalithiques dans le monde) sont historiquement repérables entre 200 avant J.C et le XVIième siècle. 

Dommage d'ailleurs que Cheikh Anta Diop n'ait pas consacré autant d’efforts pour étudier ces vestiges d'une valeur scientifique ou moins égale à la Pyramide de Khéops, en Egypte pharaonique !!!! Il s'agit juste d'une remarque amicale. Je ne souhaite pas que les "Cheikh Antaistes" me tombent dessus!!! 

En attendant de revenir sur les mégalithes et cercles mégalithiques qui s’étendent sur plus de 20 000 mètres carré, et qui comprennent 1 600 sites classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, revenons à la dernière capitale du Sine, Diakhao. 

Heureux que ces vestiges funéraires soient préservés. Malheureux que nous ne puisions pas créer, dans nos Universités, de départements d'Anthropologie et d’Archéologie dignes de ce nom. Nous sommes encore - comme toujours - arrimés aux exigences de recherches de nos "bailleurs". 

La construction d'une véritable histoire du Sénégal et de l'Afrique passe par la création d'instruments et de structures scientifiques capables d'apporter les réponses appropriées à nos priorités de production d'un savoir endogène. Mais pas raciste. 

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que l'histoire du Sine et de ses Rois soient presque celle du Colon. Sans doute, sommes nous là, au cœur des rapports entre l'anthropologie et l'histoire. L'Histoire du Sine est-elle celle de Émile Pinet-Laprade, le successeur de Jean Bernard Jauréguiberry ? Est- elle celle de nos souverains qui collectaient des impôts au service de l'ordre colonial, brutal et dominateur ? Est ce l'histoire des Chefs de Canton ? 

Nous devons déconstruire cette histoire coloniale que nous enseignons dans nos écoles et universités, pour aller au-delà du construit colonial historique. Le Palais royal du Sine, enchâssé entre des murs modernes, ne reflète pas les diversités historiques et les complexités archéologiques de notre Sunugaal. 

J'ose espérer avec ce projet d'Histoire Générale du Sénégal, nous écrirons notre véritable histoire. Je suis heureux que mon jeune frère et ami Khadim Ndiaye, soit dedans. Félicitations Ndongo Lii et dites leur d’arrêter de singer le Colon.
 (21 photos)
Tente pour la célébration du Thiante à Diakhao (témoignage de Bur Sine en faveur de Cheikhoul Xaadim)
Tombe de Wassyla Faye, Roi du Sine
Joung-joung, Tam Tam Sérère
Tombe de Diogo Gnilane Diouf, Roi du Sine