Document d'Etudes sur la FORMATION PROFESSIONNELLE EN AFRIQUE .

La formation professionnelle en Afrique : « Professionnaliser la formation de la jeunesse africaine, moteur de croissance ».
13 septembre 2012
Parole d’expert

Illa Honorine
Directrice du Fonds d’Appui à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage (FAFPA), Burkina-Faso
Incontestablement, l’Afrique subsaharienne est la région la plus jeune du monde, avec plus de 40 % de la population âgée de moins de 15 ans. Les jeunes sont de plus en plus nombreux en Afrique. Le niveau d’instruction progresse également ; une progression nettement plus rapide dans les pays d’Afrique anglophone où le système éducatif a introduit très tôt l’apprentissage et la formation technique.
En Afrique francophone, selon le Docteur Honorine Illa, Directrice du Fond d’Appui à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage (FAFPA), au Burkina Faso, l’enseignement est davantage généraliste et universitaire. “Notre faiblesse est d’avoir opté pour un enseignement général au détriment de la formation professionnelle. Nous avons pris conscience avec un peu de retard de l’inadéquation entre notre système de formation et la réalité économique. La crise économique n’a pas de frontière”.
Un constat confi rmé par le Ministre Achille Tapsoba en charge de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi : “les jeunes diplômés sont à 95 % issus de l’enseignement général titulaire du BEPC, du Bac, de la Licence, de la Maîtrise et du Doctorat. Sur le marché de l’emploi, un jeune diplômé en droit ou en lettres modernes, si une entreprise doit le recruter, il faut qu’elle le forme. Sinon il ne peut pas directement commencer à travailler” (1). Le constat est identique sur tout le continent, qui souffre d’un défi cit de ressources humaines. “Trop d’Africains sont peu ou mal formés, ou sont en inadéquation avec les besoins des entreprises” (2), regrette Didier Acouetey, PDG d’AfricSearch, cabinet de recrutement pour l’Afrique. Ainsi, sur le marché des télécoms, qui explose, et qui nécessite un personnel hautement qualifi é pour mettre en oeuvre les infrastructures, “seuls la Tunisie, le Maroc et récemment le Sénégal proposent des cursus d’enseignement supérieur de qualité”, poursuit ce chasseur de têtes.
Au Burkina Faso, la prise en compte de la formation professionnelle formelle a été tardive. “Jusqu’à l’année dernière, elle relevait du ministère chargé de l’Enseignement supérieur.
Aujourd’hui, elle est rattachée au Ministère de la Jeunesse, de la Formation Professionnelle et de l’Emploi, dont dépend le FAFPA”, précise Honorine Illa.
L’Etat burkinabè a mis en place une politique nationale d’emploi et de formation professionnelle dynamique. Il appuie prioritairement les centres de formation publics et privés intervenant dans la formation aux métiers de l’agroalimentaire, des mines et de l’énergie hautement pourvoyeurs d’emplois au Burkina Faso. L’Etat finance le perfectionnement de leurs formateurs, l’élaboration d’ingénieries pédagogiques appropriées pour former une main d’oeuvre qualifi ée ainsi que l’amélioration des outils et instruments didactiques de formation. “Le Centre de formation de référence de Ziniaré, financé en partie par la coopération Chine/ Taïwan est un modèle unique en Afrique de l’Ouest. Il propose une formation qualifi ante dans les métiers techniques (mécanique, génie civil et électrique, froid, boulangerie & pâtisserie…) du Brevet d’enseignement professionnel (BEP) au diplôme d’ingénieur. L’établissement est équipé de matériels de pointe”.
Pour autant, au Burkina Faso, l’apprentissage informel occupe encore une large frange de la jeunesse, dans les métiers de l’artisanat, tant en zone rurale qu’en milieu urbain. Aussi le gouvernement s’est engagé, depuis 2008, dans un programme de formation visant à sortir l’apprentissage du secteur informel et à améliorer le taux de scolarisation des jeunes fi lles. “Cette approche orientée autour des compétences s’est déployée dans toutes les régions du Burkina Faso, grâce aux antennes relais de l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE). En la matière, l’ANPE a développé un programme de formation qui couvre quinze domaines de compétences traditionnelles, à savoir la mécanique, la forge, les métiers du bâtiment, la couture, l’électronique, la comptabilité et la réparation des équipements de bureau, dispensé par des Centres d’Évaluation et de Formation Professionnelle (CEFP). Les frais de scolarité y sont moindres que ceux pratiqués dans les organismes de formation privés. Et surtout les formations répondent aux besoins du tissu économique régional”. Il est encore trop tôt pour mesurer les retombées macro-économiques de ces dispositions nouvelles en faveur de la formation professionnelle et de l’emploi au Pays des hommes intègres. Mais elles devraient participer à une meilleure employabilité de la force de travail, via un accroissement de la qualité des compétences et contribuer ainsi au renforcement du dynamisme du tissu économique.
Selon une étude de l’OCDE (3), en Afrique en 2030, 59 % des 20-24 ans auront reçu un enseignement secondaire, contre 42 % actuellement. On aura donc, pour cette tranche d’âge, 137 millions de jeunes diplômés du secondaire et 12 millions du tertiaire. Pour autant, il restera encore une trop grande frange de la jeunesse, analphabète et sans formation, en marge du développement économique.
En matière de formation continue, l’offre se développe très rapidement dans les secteurs faisant appel à la technicité. Les équipementiers européens, américains et asiatiques assurent un transfert de technologies localement au cours d’ateliers et de séminaires d’entreprise. Toutefois, les cadres d’entreprise continuent de privilégier des cycles de professionnalisation courts dans les universités et écoles occidentales.
Sources :
1- Reportage diffusé sur RFI, le 28 mai 2010 – “La formation professionnelle, enjeu majeur pour des millions de jeunes Africains”
2- Interview d’Achille Tapsoba ministre de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Sidwaya, 2 décembre 2011. 3 Reportage diffusé sur RFI, le 28 mai 2010 – “La formation professionnelle, enjeu majeur pour des millions de jeunes Africains”.
3- Perspectives économiques en Afrique 2012, OCDE